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Les produits conventionnels font de la résistance

Avec 43 000 t, la quantité de substances actives (QSA) vendues aux agriculteurs hors usages en agriculture biologique et hors produits de biocontrôle reste stable en 2022.

Alors que le contexte est assassin, les ventes de produits conventionnels se maintiennent, voire progressent. Les solutions de biocontrôle, elles, gagnent encore du terrain, même si la dynamique ralentit.

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Sur les trois dernières années, la quantité de substances actives (QSA) vendues par les distributeurs aux agriculteurs, hors usages en agriculture biologique et hors produits de biocontrôle, est « stable », selon le ministère de l’Agriculture. Une tendance qui semble se poursuivre en 2022, puisque selon les dernières estimations publiées en juillet, le volume de produits conventionnels vendus s’élèverait à 43 000 t. La dynamique est tout de même à la baisse sur le long terme, étant donné que la QSA a été réduite de 20 % par rapport à la moyenne 2015-2017.

Pourtant, selon Phyteis, l’année 2022 a été fructueuse pour les entreprises de la protection des cultures. D’après les estimations provisoires, elles auraient vendu aux distributeurs 43 700 t de substances actives (hors soufre et cuivre) contre 38 909 en 2021. Au total, près de 64 900 t de matières actives ont été livrées en 2022, soit une hausse de 17 % par rapport à 2021.

Rebond du Nodu

De son côté, le Nodu (Nombre de doses unités), indicateur de référence du plan Ecophyto, s’est établi à 89,4 Mha en 2022, soit une hausse de 3,5 % par rapport à 2021. Ainsi, la moyenne triennale du Nodu 2020-2022 est estimée à 87,4 Mha, en progression de 6,3 % par rapport à la moyenne 2019-2021, mais en retrait de 11,5 % par rapport à 2015-2017. Là aussi, le ministère note « un niveau plateau à la baisse globalement stable depuis trois ans ». Générations futures, elle, s’inquiète : « Le Nodu 2022 est toujours très supérieur au Nodu de départ du plan (2009), alors que l’objectif du plan Ecophyto est de réduire de 50 % ce Nodu de départ. » Ainsi, après les plans Ecophyto I et II, Ecophyto II + n’est « toujours pas sur la voie de la réussite », constate l’ONG.

Toutefois, selon les autorités, les résultats sont encourageants pour les substances actives au risque avéré ou suspecté pour la santé humaine. Les ventes s’établissent autour de 10 000 t en 2022 contre près de 20 000 t au début du plan Ecophyto. D’autant plus pour les ventes de substances CMR1, qui se rapprochent de zéro. « Cela marque l’effort de la France à Bruxelles pour ne pas autoriser la vente et l’utilisation des substances actives considérées comme les plus préoccupantes », souligne le ministère.

L’approche combinatoire s’affirme

Si les ventes de produits phyto se maintiennent, la pression exercée sur les solutions restantes s’accentue. Alors, face à une chasse aux substances actives et à la multiplication des impasses techniques, les firmes changent leur fusil d’épaule. Ainsi, les produits phytosanitaires laissent peu à peu place aux biosolutions, et notamment à l’approche combinatoire. Les adhérents de Phyteis ont d’ailleurs repositionné leur activité autour de cette stratégie systémique qu’ils accompagnent par des investissements conséquents : 275 M€ ont été investis en ce sens en France en 2022. « Aucune solution miracle ne va arriver dans les dix ans à venir, prévient Jean-Jacques Pons, directeur général de BASF. Il y a donc urgence à mettre en place les approches combinatoires. » En France, l’agrochimiste ambitionne de multiplier par 2,5 son chiffre d’affaires en biocontrôle d’ici 2030, et ainsi de le faire passer de 4 à 10 % de son activité. « Cette accélération n’est peut-être pas au niveau des attentes du marché, mais soyons réalistes, en biocontrôle la recherche et la réglementation sont beaucoup plus complexes, explique-t-il. Notre objectif est d’intégrer les solutions de biocontrôle avec les solutions conventionnelles dans une approche combinatoire afin d’accélérer leur déploiement et leur acceptation. »

BASF a d’ailleurs rejoint l’Abba (Association biocontrôle et biostimulation pour l’agroécologie), créée cette année afin de lancer la mise en œuvre du Grand défi « Biocontrôle et biostimulation pour l’agroécologie », un programme national de recherche et innovation prévu dans le cadre de France 2030. Elle regroupe plus de 80 membres, avec des organisations publiques et privées, dont IBMA, Afaïa, les instituts techniques, les chambres d’agriculture… Elle vise à développer et diversifier les solutions de biocontrôle et de biostimulation disponible, en combinaison avec d’autres solutions.

UPL mise également sur cette approche combinatoire. À l’occasion des Culturales, l’agrochimiste indien a rappelé son objectif d’atteindre les 60 % de CA avec les biosolutions à l’horizon 2030. « Il y a 10 ans, seul 10 % du chiffre d’affaires était réalisé avec les biosolutions, pour 2023-2024 on vise les 45 % », projette Joëlle Sfeir, directrice marketing. Et pour y parvenir, la firme continue de déployer son offre combinatoire Pronutiva en y ajoutant une offre d’automne pour lutter contre la jaunisse nanisante de l’orge (JNO). Elle combine un insecticide, la cyperméthrine, avec un biostimulant à base d’ascophyllum nodosum.

Le biocontrôle perd des PDM

« Ces cinq dernières années, l’évolution des ventes de produits de biocontrôle en France est relativement linéaire avec une hausse moyenne de 8,5 % par an depuis 2019 », fait savoir IBMA dans son baromètre 2022, avec un marché estimé à 278 M€ en France, contre 266 M€ en 2021. Les ventes ont progressé de 9 % pour le secteur agricole mais ont régressé de 13 % en jardins et espaces verts. Toutefois, la progression du marché est moindre en 2022 que celle du marché total des produits phytopharmaceutiques. Ainsi, la part de marché des produits de biocontrôle est en baisse, passant de 13 % en 2021 à 10 %. À l’exception des molluscicides, les autres segments du biocontrôle enregistrent une baisse de part de marché.

En cause ? L’inflation, la guerre en Ukraine ou encore le climat, peu favorable aux ravageurs. Mais IBMA pointe également du doigt la séparation de la vente et du conseil. « Cette dernière a entraîné une raréfaction du conseil spécifique, pourtant crucial pour le biocontrôle, déplore Céline Barthet, présidente d’IBMA France. Les CEPP n’ont pas compensé entièrement cette perte, car seuls 40 % des produits phytopharmaceutiques de biocontrôle sont liés à un CEPP. »

Les firmes surfent sur la vague

Le biocontrôle est une solution d’avenir, et ça, les firmes l’ont bien compris. De Sangosse souhaite notamment devenir « le leader sur le créneau des phosphonates de potassium » grâce à Pygmalion, son fongicide biocontrôle antiseptoriose sur blé et antimildiou sur pommes de terre. Deux ans après son lancement, la solution semble avoir séduit les agriculteurs, puisque 90 % des céréaliers et 100 % des producteurs de pomme de terre envisagent de le renouveler pour l’année prochaine. « Désormais, nous souhaitons sortir des a priori et aller chercher les agriculteurs qui n’ont pas d’affinité particulière avec le biocontrôle », explique Marie Aubelé, chef marché grandes cultures. Ainsi, pour 2024, la firme projette de traiter 500 000 ha de blé avec du Pygmalion et 100 000 ha de pommes de terre. De plus, elle lancera en 2024-2025 une offre de pack pour le T1, associant Pygmalion à des biostimulants. Et pour 2026, elle compte proposer une gamme de produits déjà formulés, Readymix.

Quant à Syngenta, la société poursuit sa démarche Protection fongicide responsable (PFR), avec le lancement en 2024 d’Aquicine Duo, une nouvelle solution fongicide de biocontrôle, prête à l’emploi, pour lutter contre la septoriose des blés. De son côté, Agrauxine by Lesaffre a confié, depuis le 1er septembre, la commercialisation de deux produits de biocontrôle, Trisoil et Julietta, à Certis Belchim, et de six biostimulants à Sumi Agro France. « L’objectif est de multiplier par trois la surface traitée par ces produits », indique Agrauxine. L’occasion aussi pour la firme de revenir au cœur de ses métiers de conception et de production de biosolutions.

Pour sa part, Sumi Agro mise sur les grandes cultures. « Elles sont orphelines de solutions de biocontrôle », constate Thierry Castel, président de Sumi Agro France. Ainsi la firme ambitionne de développer ce créneau avec une solution de biocontrôle pour 2024 et trois autres dans les trois ans à venir. Avec 30 à 35 % de son CA réalisé par le biocontrôle, Sumi Agro souhaite maintenir cette part tout en augmentant son chiffre d’affaires.

Enfin, BASF n’est pas en reste, puisque l’agrochimiste allemand vient d’obtenir l’homologation d’Asterion, une nouvelle solution de biocontrôle colza contre sclérotinia et alternaria. Le lancement de cette solution à base de Cerevisane (parois cellulaires de levure) est prévu à l’horizon 2024-2026.

L’usine Amoéba sort de terre

En février dernier, Amoéba déposait une demande de permis de construire pour un site industriel écoresponsable Usibiam, dédié à la production de son agent de biocontrôle. La substance, à base de lysat d’amibe, a notamment été recommandée à l’Europe par l’autorité autrichienne pour approbation en usage biocontrôle. La commercialisation des produits de protection des plantes est prévue pour 2025. Dans cette optique, la firme a lancé le projet de mettre sur pied une usine de 3 000 m² pour une capacité de production de 40 tonnes de substances actives. Un projet chiffré à 45 M€ (23 M€ en investissements et 22 M€ en dépenses opérationnelles) qui prend vie, puisque la première pierre de l’édifice a été posée le 10 octobre. Les travaux devraient se poursuivre jusqu’à fin 2024.

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